09 Juil Affaire « Corona Party »
Affaire « Corona party » : quand le droit des marques rencontre les bonnes mœurs
Pour être valable, une marque doit répondre à plusieurs critères. Elle doit notamment porter sur un signe licite, c’est-à-dire ne portant pas atteinte aux bonnes mœurs et à l’ordre public… Ces notions sont par nature mouvantes puisque liées à un contexte sociétal. Caractériser une atteinte peut donc s’avérer compliqué.
L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle a récemment eu à se prononcer sur cette question lors de l’examen de la validité des demandes de marques « Corona party » ou « After Corona party ».
Ces dernières avaient vocation à couvrir des services liés au divertissement et notamment ceux de discothèque ou d’organisation de réceptions et de fêtes. L’Office a refusé la publication de ces marques en considérant que, n’étant pas liés à la lutte contre la Covid 19 elles heurteraient la sensibilité des consommateurs européens dont nombreux ont été touchés par la pandémie. L’office ajoute en ce sens « qu’il n’est pas nécessaire de faire preuve de beaucoup d’imagination pour imaginer que les consommateurs qui ont perdu des proches à la suite de la pandémie et se trouvent ensuite face à des affiches, des spots radio/TV, etc. annonçant une « after corona party » puissent trouver cela choquant ou offensant ».
Bien que l’Office n’en fasse pas mention, il aurait également été possible de s’interroger sur la distinctivité de tels signes, dans la mesure où l’expression CORONA PARTY est d’ores et déjà utilisée pour faire référence à des soirées entre personnes contaminées. Dès lors, l’office aurait pu considérer que les signes n’étaient pas arbitraires mais descriptifs des services proposés.
Ce n’est pas la première fois que des particuliers cherchant à « surfer » sur l’actualité voient leurs demandes refusées par les offices. L’INPI avait, par exemple, refusé l’enregistrement de la demande de marque « Les sans dents » en ce qu’elle était susceptible de porter atteinte à l’ordre public. (La Cour d’Appel avait retenu que « le signe « les sans dents » sera perçu […] comme une incitation à contrevenir à des principes essentiels au bon fonctionnement de la société ou comme une offense pour une partie du public concerné »).
Rappelons toutefois que le risque d’atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs doit être réel pour justifier un refus. Il ne doit donc pas être abstrait ou seulement plausible comme l’a récemment rappelé la Cour de Justice de l’Union européenne dans une décision « Fack ja Göhte » en tant que la simple mention de termes grossiers ne justifiait pas un refus. En l’espèce cette marque faisait référence à une trilogie de films qui n’avait suscité aucune réaction lors de sa sortie et avait même été autorisée à des fins éducatives.
Les décisions citées : EUIPO, division d’examen, 25 novembre 2020, Numéro d’enregistrement : 018213865 ; EUIPO, division d’examen, 25 novembre 2020, Numéro d’enregistrement : 018213866 ; CJUE, 27 février 2020, aff. C-240/18.
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